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Vendredi 10 avril 2009 à 18 h 00 à la librairie Torcatis
présentation par son auteur du livre Durruti dans le labyrinthe par Miguel Amorós
vendredi 3 avril 2009, par
COMMUNIQUÉ
Vendredi 10 avril 2009 à 18 h 00 à la librairie Torcatis
(10 rue Mailly, à Perpignan)
présentation par son auteur du livre
Durruti dans le labyrinthe par Miguel Amorós
Traduit de l’espagnol par Jaime Semprun
(Editions de l’Encyclopédie des nuisances)
Ce livre suppose connue dans ses grandes lignes l’histoire de la révolution espagnole de 1936, et en particulier la part décisive qu’y prit le prolétariat libertaire organisé dans la CNT-FAI. Voilà qui est sans doute beaucoup présumer, surtout en France, où on en est longtemps resté, sur le sujet, à
Malraux, sinon à Hemingway ; et où la mensongère mythologie antifasciste forgée par la propagande du stalinisme de front populaire a encore aujourd’hui la vie dure. L’appellation conventionnelle de « guerre d’Espagne » constitue d’ailleurs en elle-même une remarquable adultération. Elle permet en effet de rejeter dans l’oubli la révolution sociale qui s’est dressée presque seule - en Catalogne spécialement - contre le soulèvement militaire, et qu’il fallut d’abord vaincre pour qu’il n’y ait plus face à face, après mai 1937, que deux formes de pouvoir d’État.
Plus que quiconque, Durruti incarne la tentative de faire triompher un antifascisme révolutionnaire : de mener ensemble, comme il le disait lui-même, la guerre et la révolution. Ce récit le suit donc pendant les derniers mois de sa vie - depuis sa participation à l’écrasement du soulèvement militaire, en juillet 1936 à Barcelone, jusqu’à sa mort devant Madrid le 30 novembre - dans le labyrinthe de trahisons et d’atermoie¬ments où la révolution s’est perdue. Et il aborde en quelque sorte avec lui les immenses problèmes qu’eurent à affronter les travailleurs en armes, à commencer par celui d’organiser leurs milices pour lutter contre le fascisme. Il éclaire ainsi l’aspect le plus occulté de cette révolution elle-même si long¬temps « camouflée » : la façon dont les dirigeants de la CNT-¬FAI, devenus « anarchistes de gouvernement », se sont faits les complices de la contre-révolution menée par les staliniens, jusqu’à aider à tendre à Durruti le piège dans lequel il devait tomber à Madrid.
Citant abondamment les protagonistes, à commencer bien sûr par Durruti lui-même, l’auteur expose les faits sans embar¬rasser leur relation de considérations dogmatiques ou de théorisations arbitraires. S’il ne s’abstient certes pas de juger, sur la base des principes libertaires qui étaient précisément ceux des révolutionnaires de l’époque, il ne se livre pour autant à aucune réinterprétation ou « relecture » orientée, visant à illustrer une thèse historique préétablie ou à gloser savamment sur ce qu’il eût été préférable de faire : de même qu’il ne se soucie pas d’afficher une lucidité stratégique rétrospective, il abandonne à la vacuité de leurs tautologies toutes les « explications » de l’échec des prolétaires espagnols à faire vaincre leur révolution.
Un livre aussi dénué d’ambition spéculative ne manquera pas d’être blâmé pour la part trop belle qu’il fait au rôle joué par Durruti. Car tout le monde est peu ou prou marxiste, aujourd’hui, quand il s’agit de justifier la soumission au déterminisme des « conditions » en dénigrant la liberté que certains ont, malgré tout, prise. C’est néanmoins parmi les tenants d’un radicalisme tout théorique qu’on sera sans doute le plus prompt à dénoncer une telle « héroïsation », où la révo¬lution n’est plus un processus impersonnel, ayant pour agent « la Classe », ou « le Parti », mais l’activité d’individus devant lesquels, à chaque bifurcation du cours des événements, s’ouvre un nouveau carrefour de choix possibles, jusqu’à la fin. Le propre d’une révolution est pourtant bien de suspendre l’action des déterminations sociales massives qui réduisent les hommes à n’exister qu’en tant que membres d’une classe : les individus prennent alors d’autant plus de relief que s’allège, pour un temps, le poids de tout ce qui existe indépendamment d’eux. Et c’est en même temps, avec le rôle des décisions individuelles, la part indéterminée de l’histoire qui revient au premier plan : son côté contingent, imprévisible, sa confusion et son désordre, en bref tout ce qui fait qu’elle est l’histoire réelle et non l’histoire fantasmée des doctrinaires, où il suffirait de posséder le fil d’Ariane de la « théorie vraie » pour ne jamais s’égarer dans le dédale des événements. Les hommes font certes leur histoire « dans des conditions déterminées ». Mais ils la font.
Il reste pour finir à préciser que cette édition française diffère sensiblement du texte d’origine, paru en Espagne en 2006. L’auteur a, de son côté, procédé à certains ajouts ou remaniements, tandis qu’avec son accord le traducteur intro¬duisait les éclaircissements qui paraissaient utiles au lecteur français, soit dans le corps du texte, soit sous forme de notes en bas de page. Dans le même but on a fait figurer en tête de l’ouvrage une liste des organisations politiques et syndicales, ainsi qu’une chronologie des principaux événements ayant marqué la période considérée.